SEANCE 1


Portrait fragmenté 1

Nouvelles de Petersbourg

Nicolas Gogol

Edition choisie : celle de la collection classiques de poche, pour ses notes souvent intéressantes. Toutes les références porteront sur cette édition du texte.  


Séance 1 : entrer dans l'œuvre

Objectif : déterminer un projet de lecture : identifier l'hétérogénéité du recueil

Fonder la relecture sur ce principe d'une écriture hétérogène afin d'en questionner les modalités et les causes. 


Présentation des éditions et commentaires

Bilan et perspectives

Analyse des incipit : I. La Perpective   II. Les autres récits

Proposition de projet d'étude


Présentation des éditions de poche

Il peut être judicieux de proposer une étude comparée des différentes éditions présentes dans le commerce à l'occasion de l'inscription de l'œuvre au programme des TL. La littérature, c'est aussi ses conditions de diffusion et les choix qui en résultent. Toutefois, Les résultats étant redondants avec l'analyse des incipit proposés dans cette première séance, l'idée serait proposée avant l'achat de l'exemplaire par les élèves.

I. Collection Folio / ancienne collection :

Titre : Le journal d'un fou ( Le manteau et autres nouvelles )

Ordre : 1. La perspective Nevski

2. Le portrait

3. Le journal d'un fou

4. Le Nez

5. Le manteau

II. Folio / Nouvelle mouture (bac 99) :

Titre : Nouvelles de Pétersbourg ( Le journal d'un fou, Le Nez et autres nouvelles )

Ordre : 1. Même ordre que l'ancienne édition

III. Edition collection Garnier Flammarion (bac 99) :

Titre : Nouvelles de Pétersbourg

Ordre : 1. Le manteau

2. Le journal d'un fou

3. Le Nez

4. La perspective Nevski

5. Le portrait

IV. Collection Classiques de Poche (bac 99) :

Titre : Nouvelles de Pétersbourg

Ordre : 1. La perspective Nevski

2. Le Nez

3. Le portrait

4. Le manteau

5. Journal d'un fou

Annexe : Le portrait, première version

 

Commentaires sur l'établissement du texte :

Sur les titres du recueil :

Variation des titres ( Folio ancienne édition / les autres )
Titre de l'œuvre intégrale = titre d'un nouvelle, mais le titre sur la couverture n'apparaît pas en premier !
Ou titre du recueil = titre nouveau différent du titre des nouvelles : Nouvelles de Pétersbourg.

Sur l'ordre d'apparition des récits :

Ordre aléatoire + fidélité à l'auteur ? ( Absence dans 3 éditions de la 1ère version du Portrait ! )
La première =
La perspective Nevski dans les 2 éditions Folio et Poche mais pas la GF
[ Comparaison possible avec d'autres recueils :

Maupassant : Les contes de la Bécasse et Boule de suif : le titre du recueil = titre de la nouvelle liminaire.
Idem par ex. pour
La Métamorphose de Kafka dont la lecture peut être conseillée et pourquoi pas demandée en vue d'établir des comparaison, notamment avec le Nez]

 

BILAN ET PERSPECTIVES D'ETUDE :

Pétersbourg = espace fédérateur des nouvelles ?
Donc une lecture thématique, sociologique, historique, réaliste des récits ?
La cohérence du recueil est-elle liée à cette lecture ?
Un désordre intentionnel de la part de Gogol ? des éditeurs ? Quel est alors l'unité du recueil ? Et l'ordre de lecture possible ?


  INCIPIT DES 5 NOUVELLES DE PETERSBOURG DE N. GOGOL : Analyse et proposition d'un projet d'étude.

Travail effectué par le professeur sur La Perspective Nevski.

Puis travail individuel de l'élève et réponses collectives

Autre proposition : Lecture méthodique, ou guidée de l'incipit de la Perspective.

Commentaire collectif des suivants.

 

I. la perspective nevski

*A quelle typologie ce début de texte appartient-il ?

*Qu'est-ce qu'une description ?

Petite histoire d'un genre

De - scribere = écrire d'après un modèle

Descriptif = terme péjoratif, synonyme d'ennui : On saute les descriptions dans un texte car ce n'est pas inventif, pas d'empreinte d'un raisonnement personnel, d'un travail d'appropriation original de l'objet décrit. C'est une copie d'une réalité qui préexiste à la description, c'est un reflet d'un reflet : un tableau du réel.

Chez les anciens, d'ailleurs, les élèves faisaient le fond et le maître peignait les personnages considérés comme le vrai sujet du tableau. C'est d'ailleurs ce que l'on a reproché aux impressionnistes, ainsi que les pointillistes, de traiter les personnages comme un décor, perdus qu'ils étaient, fondus dans le décor.

De plus, la description n'est pas autonome. Elle dépend étroitement des autres genres dans lesquels elle tente de se fondre, mais comme un kyste, un élément rajouté, une excroissance, une expansion d'un détail inutile et ennuyeux.( Cf. annuaire, dictionnaire). Lit-on ces textes ? Non, on les consulte ! Elle est donc insérée dans une autre séquence textuelle dominante jugée plus intéressante ou du moins plus importante !

Dans la rhétorique antique, la description est réservée à la louange ou au blâme ( genre épidictique ). C'est un morceau de bravoure précis et codé dans lequel on distingue la chronographie (= description du temps ) et la topographie ( = la description de l'espace ).

+ l'éthopée = morale + la prosopopée = apparence extérieure.

La description a donc une fonction essentiellement ornementale, décorative.

Au 16ème siècle, le texte descriptif sert à recenser les trésors de l'antiquité, c'est l'époque humaniste.

La description a donc une fonction informative et mémorielle.

Cependant, du moyen âge à la renaissance, la description est souvent détournée pour des fins érotique et comique = le blason et contre blason.

La description est donc un inventaire sans légitimité, un catalogue, une liste d'après modèle souvent livresque ( les impressionnistes sont les premiers à être sortis de leur atelier ! ) dont la fonction est didactique et non poétique. Cf. le cas de Jules Verne !

Mais au 19ème siècle, la description est renouvelée dans l'écriture réaliste et naturaliste.

L'enjeu est de motiver la description, de transformer sa fonction et son intérêt afin qu'elle deviennent un élément aussi pertinent que la séquence dans laquelle elle s'insère, afin que puisse s'y investir aussi l'originalité du descripteur.

*Quelle cohésion à la description dans La Perspective ?

*Quelle mode d'engendrement ?

*Quelle classement taxinomique ( organisation ) ?

*Que dévoile la description ? Intention d'auteur ?

*Selon quelle procédure stylistique ?

 ( Une lecture cursive d'un incipit balzacien peu permettre ici de se souvenir de la procédure très explicative de la description réaliste.)

Réponses :

Enumération, saturation du sujet et bientôt opacité totale en raison de l'émiettement du sujet en multiples détails qui vont de l'évocation des gens à celle des objets.

Modalité intensive du descripteur, emphase, pompe ( quasi pompiériste par la monumentalité de la perspective, de son granit et même des bottes des soldats ) et prolifération lexicale qui brisent la clarté du sujet en de multiples objets : l'intérêt est alors moins dans l'objet décrit que dans ce qu'en dit le descripteur.

La tentative de maîtrise de l'objet décrit tourne donc à la dérision en raison de l'inconsistance de la Perspective, de son évanescence ( cf. champ lexical ) qui fuit la taxinomie entant donné qu'elle se métamorphose sans cesse !

La description devient ostentation d'un savoir par les révélations qu'offre le descripteur au lecteur ( artificialité et apesanteur des promeneurs ) qui semble tendre vers l'impossible achèvement !

* Jusqu'où s'étend l'incipit de La Perspective Nevski ? ( intersession)

* Comment se connecte-t- il à la suite ? A la fin du récit ? (idem)


II. les autres incipit

La question des titres et de l'amorce du récit :

*Etudiez les phénomènes d'émiettement du discours dans les 4 autres débuts.

Dans le système de configuration du récit court, le titre et le commencement constituent un programme narratif qu'il faut prendre en compte.

S'interroger sur le titre, la forme du début, son étendue, sa fonction, c'est déceler une intention dans l'œuvre, voire une intention d'auteur.

Le début est aussi le lieu de l'amorce d'une histoire. Impossible de perdre du temps car ce serait perdre le lecteur!

*quels commentaires faites-vous dans les 4 incipit suivants ?

*Quel principe d'engendrement du texte ?

*Quelles figures du narrateur ?

*A qui s'adresse Praskovia Ossipovna dans Le Nez ?

*Quels éléments permettent de fédérer tout ou partie des titres ?

réponses :

Titre : une relative banalité des titre-objet, qui n'engagent apparemment aucun enjeu ( Le nez, Le manteau).

Expositions :
Le début est thématisé : début de journée pour le barbier du Nez, pour le narrateur du Portrait.

Quant à l'amorce du récit, elle est détournée dans Le Nez en raison des commentaires digressifs du narrateur. Là encore, la saturation du récit a bien lieu et l'opacification transforme l'amorce en dérision d'une conception traditionnelle du récit réaliste. ( Cf. Balzac ) où la focalisation zéro est source d'explication : Or, ce que dit le narrateur dans Le Nez ne constitue pas un savoir. Alors quoi ? Un jeu ?

Un jeu dont la fonction sera à déterminer.

De même, le Manteau subvertit le code d'entrée dans le genre de la nouvelle puisqu'il rompt, plus encore que le récit précédent, avec la pertinence nécessaire ( concision comme économie des moyens et intérêt ) au démarrage du récit court. Cette fois, le commentaire du narrateur prend le pas sur l'histoire. La procédure stylistique de l'énumération et du rajout priment au risque de raconter ce qui n'est peut-être qu'une rumeur ( "On raconte que…") et sans craindre d'avouer son ignorance ( "de je ne sais plus quelle ville" )

Ainsi, le récit est essentiellement engendré par l'accumulation d'information apparemment banales sans nécessité narrative. C'est le cas dans Le Portrait qui débute par une description d'objets hétéroclites comme un empilement d'énoncés, un inventaire dans lequel rien ne permet de prévoir la clôture, ou l'issue ("une collection on ne peut plus hétéroclite) !

* De quoi peut donc être constituée "l'extraordinaire aventure" du narrateur du Journal ?

Apparemment "l'extraordinaire aventure" du scripteur est constituée d'événements assez anodins : à confirmer, rectifier, nuancer et expliquer.


Proposition de projet d'étude :

Ecriture de la fragmentation /
Fragmentation de l'écriture :

quelles formes, causes et solutions à la discontinuité relevée ?

 

Bilan professeur : Bien qu'une séance soit consacrée à un exposé d'élève sur la vie, l'œuvre de Gogol et son inscription dans la Russie de l'époque, il est toutefois utile ici de confirmer cet apparent désordre dans le classement des récits en rappelant que les différentes éditions des Nouvelles proposent des dossiers souvent fort intéressants. Notamment celui de l'édition GF qui, pages 16-17, donne une information essentielle sur le titre du recueil tel que Gogol l'a fait paraître :

ARABESQUE : est constitué de textes hétérogènes, récits (La Perspective, Le Portrait, Le Journal d'un fou), mais également des textes d'idées, d'autres nouvelles. En ce sens, la connotation du texte est claire : sinuosité, brisure font partie inhérente du recueil tel qu'il se présente à la parution. L'intention d'auteur confirme les réponses obtenues lors de la lecture de ces incipit.

[ REMARQUE : Loin de se préoccuper uniquement des formes de la nouvelle dans le recueil, lecture structuraliste qu'adopte peu ou prou Nabokov et à laquelle nous adhérons, nous tâcherons de réconcilier les tenants de cette lecture et les approches thématiques des récits. En effet, deux lectures ont globalement été effectuée de Gogol, centrées sur la narration ou sur l'histoire et ses implications idéologiques : or la perspective que nous adoptons refuse le monolithisme de ces lectures suivant en cela les instructions pour l'enseignement des Lettres au lycée. Pour autant, on partira des formes de la narration afin de déceler des incidences dans l'argument du texte, voire de l'auteur. C'est d'ailleurs le souhait des élèves eux-mêmes, curieux de trouver dans leur lecture des indices sociologiques, psychologiques, thématiques au sens (trop) large qui leur permettent de comprendre la société russe au temps de Gogol.]

(On peut d'ailleurs à ce sujet demander au groupe d'élèves qui doivent produire un exposé sur Gogol, son temps, l'inscription de la société russe dans les textes au programme, de rechercher dans la documentation fournie par les différentes éditions du texte des informations précises sur les différentes réceptions des Nouvelles.)


Prolongement, texte complémentaire : quelle est la lecture de Nabokov ? (document extrait du GOGOL fourni aux élèves) Confirme-t-elle le projet d'étude ? Justifiez.

Préparation : lecture intégrale de La perpective Nevski.

*Relevé des formes de la fragmentation du récit, des causes et issues proposées dans ce récit

Réfléchir aux critères de classification des formes de perturbation, aux causes et solutions proposées par les personnages, le narrateur et leurs conséquences. 

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